Crise de milieu de vie et vie professionnelle

Le milieu de vie et les changements professionnels

L’aspiration à davantage de sens et de plénitude se manifeste aussi sur le plan professionnel. Il semble nécessaire de trouver « quelque chose de plus » dans cette activité qui occupe la majeure partie de la vie. Ce questionnement intérieur peut se traduire par le sentiment de ne pas être à sa place, de ne pas exploiter son potentiel, par un vague ressenti de déprime, de vide, de lassitude ou d’absurdité face à la routine et au stress professionnel. Paradoxalement, le milieu de la vie correspond au moment où l’on se trouve au sommet de ses compétences et de son efficacité professionnelle, et dans un creux psychologique.

Le principe d’individuation est par essence émaillé de multiples deuils. Ce moment est propice pour prendre conscience de ce que nous ne serons jamais (dans cette vie ci !) et l’accepter.


Flora a 42 ans, une brillante carrière en entreprise privée à son actif. Un de ses rêves d’enfant était de devenir diplomate, tant pour la découverte des pays que pour l’enjeu géopolitique que cela représente. Elle convient que cela lui sera difficile car son trajet professionnel s’est éloigné de ce métier-là. Par contre, elle comprend qu’un engagement politique à l’échelle de la France ou de sa commune est tout à fait possible, de même qu’un engagement dans une association internationale qui pourrait lui permettre de voyager.

L’idée centrale reste de se hâter lentement, comme le recommandait Boileau. En effet, il convient de se hâter pour amorcer un changement avant l’âge de la retraite et pour pouvoir en profiter. Mais il est important de prendre le temps de la maturation intérieure, des allers retours, des rencontres et des réflexions pour mettre en œuvre cet ajustement professionnel.
Le risque est de précipiter un changement professionnel là où le besoin est avant tout un changement intérieur, au risque de mettre en péril sa stabilité financière, sociale, familiale.


Eric a 41 ans. Divorcé récemment, il a la garde alternée de ses deux enfants. Ingénieur commercial depuis son entrée dans la vie active, il est reconnu comme un professionnel sénior sur ce marché. Déstabilisé par un divorce qu’il estime avoir subi, il ressent le besoin confus de reprendre la main sur sa vie et de se prouver qu’il « vaut quelque chose ». Il négocie donc son départ de la multinationale qui l’emploie, part voyager au Brésil, s’achète une Harley Davidson, et se remet intensivement au sport. A son retour, ayant acheté un container de meubles au Brésil, il décide de créer une entreprise de négoce, jugeant qu’il alliait là l’utile à l’agréable. Au bout de quelques mois, il jette l’éponge : n’ayant rien préparé de son projet de création, il ne trouve pas d’acheteurs, et son stock de meubles profite aux proches. Oscillant entre le désespoir et la rage combative de réussir son propre projet professionnel, il décide alors de créer une entreprise de remise en forme, faisant ainsi le lien avec sa passion du sport. Il y injecte toute ses économies, hypothèque sa maison et déploie beaucoup d’énergie à lancer sa salle de sport, qui reste ouverte moins d’un an. Après quelques temps en thérapie, Eric a repris aujourd’hui le cours de sa vie, a trouvé un travail dans son champ de compétences et a rencontré une nouvelle compagne.

L’exemple d’Eric montre combien le besoin de changement peut se faire criant et pousser les individus à remettre en cause de nombreux pans de leur vie, occasionnant ainsi des dégâts collatéraux significatifs pour leurs proches, mais aussi pour leur santé. Le besoin initial de changement d’Eric était entre autres lié à une souffrance affective profonde et ancienne, que son divorce a réactivée. N’ayant pas pris le temps de contacter cette blessure, il a recherché sa propre valeur à l’extérieur de lui dans ses acquisitions, voyages et entreprises, au lieu de travailler à l’intérieur, sur son estime personnelle. Il n’y a pas de changements valides sur le long terme s’ils ne s’accompagnent de réels changements intérieurs.