La difficulté de la période de milieu de vie pour un couple réside dans le fait que chacun évoluant à un rythme différent, cela peut générer un décalage entre les conjoints. De nombreux malentendus surviennent alors, qui mettent potentiellement la relation en péril, et créent énormément de tensions relationnelles et intérieures. Celui qui change doit s’adapter aux ressentis et aux envies profondes qui naissent du processus d’individuation. Son conjoint, lui, doit s’adapter à l’émergence de ce nouveau partenaire, dont il ne reconnait plus le fonctionnement.
Laurence a 45 ans. Chef d’entreprise depuis 20 ans, elle a revendu son affaire il y a quelques mois, par lassitude, à la grande incompréhension de son entourage. Elle s’est réinscrite dans un Master de Philosophie à la Sorbonne, renouant ainsi avec ses premières amours, délaissées pour rejoindre la lignée familiale d’entrepreneurs. Son époux, chef d’entreprise également, regarde avec de moins en moins de patience la nouvelle « lubie » de sa femme, qu’il ne reconnait plus. Il ne comprend pas qu’elle ait besoin de temps pour elle, pour se poser, pour réfléchir, pour s’ouvrir à d’autres horizons. Ce n’est pas la question financière liée à l’arrêt de l’activité de son épouse qui lui pose problème, c’est bien ce qu’il appelle son « inactivité ». Elle lui rappelle sa propre mère qui ne travaillait pas, et qui était souvent moquée dans le cercle familial. Il a par ailleurs l’impression d’être abandonné et trahi par Laurence, avec laquelle il partageait une ambition sociale importante, ciment de leur couple depuis le début. De son côté, Laurence ne se sent pas comprise ni respectée. Elle aurait besoin du soutien de sa famille et particulièrement de celui de son époux. Elle est prête à tout pour ne pas lâcher, une fois de plus, son désir profond de renouer avec les grands penseurs en philosophie. Les relations entre les époux sont très tendues.
Parfois la relation de couple a été investie de nombreuses attentes, et chacun ou l’un des partenaires attend ce son couple qu’il lui prodigue sécurité, identité, et réparations intérieures dont il a besoin. La période pousse le couple à grandir et renvoie chacun à sa propre responsabilité dans ses choix pour sa vie et à sortir de ses projections erronées. Mais la tentation peut être grande de faire de son conjoint un bouc émissaire de tout le mal être qui survient !
Charlotte est mariée avec Luc depuis 16 ans. Commerciale pour l’industrie bureautique, elle a toujours travaillé beaucoup et a assuré l’essentiel des revenus du ménage, cependant que Luc, après quelques années d’hésitations, reprenait en continu des études de psychologie pour devenir psychologue clinicien. Depuis 5 ans, Charlotte est lassée de son travail, des déplacements et du rythme qu’il suppose et aimerait ralentir pour prendre plus de temps pour elle. Elle s’engage d’ailleurs dans une formation en sophrologie, avec l’envie de s’installer en libéral « dès que Luc sera psychologue ».
Psychologue en institution depuis 3 ans, Luc décide à présent de créer son propre cabinet ; il a donc besoin de temps pour se construire une clientèle. Charlotte ronge son frein, rationalise en se disant qu’il faut encore tenir et se demande quand son tour viendra. Elle ressent de la colère face à cette situation, mais ne se résout pas à cesser son activité par nécessité financière « il faut bien que l’on continue à payer la maison et les études des enfants ». Sa vie à elle est devenue un enfer, elle a pris 20 kg, a perpétuellement mal dans le dos, et vit en permanence dans le reproche à l’autre de ne pas lui permettre de vivre ses rêves. Elle ne s’autorise pas encore à prendre ses décisions pour elle, en respectant profondément ses envies. La « lenteur de Luc » à assurer la sécurité financière de la famille est une des raisons qui justifient pour elle le fait ne pas se lancer. Dans les croyances de Charlotte sur le couple, Luc est défaillant. Mais cela lui donne paradoxalement un alibi socialement acceptable, lui évitant de se confronter à ses peurs sécuritaires, qui ne sont que le témoin de son envie de changement. Ce faisant cependant, elle reste enfermée dans un rôle de victime et transforme son conjoint en bourreau.
La pratique de sophrologie de Charlotte l’apaise temporairement mais pourrait être complétée par des techniques de restructuration cognitive et d’affirmation de soi, pour sortir de sa spirale infernale. Cela suppose que Charlotte accepte d’être au cœur du problème et de devenir co-actrice de nouveaux comportements, plus en phase avec ses désirs profonds qu’elle ne respecte pas pour l’instant.