Je suis beaufitude égarée chez les esthètes

theatre

Je suis beaufitude égarée chez les esthètes,

Endimanchée genre bobo,

Vernissée de paillettes de savoirs,

J’usurpe à grosses mailles l’élégance des salons France Culture.

Je suis causerie dans le micro sans y être invitée.

De ma parole effrontée, je fends les bienséances mutiques.

Je fais un casse sur le droit à créer.

Je prends ma place sous les projecteurs,

Je flirte avec les velours rouges des théâtres.

Initiatrice d’un art dont j’ignore les codes,

Je suis audace fébrile du nouveau.

 

Frédérique Petit. Décembre 2018

Je suis désir impérieux de liberté absolue.

Visage de femme peint de couleurs vives

Je suis reine à peine éclose, auto proclamée.

Engourdie d’obéissance, alourdie de devoirs, j’ai volé la couronne -personne ne  me la donnait-, avant de crever de gris.

Enfin hissée à ma hauteur, je me grise d’audace et d’insouciance.

Drapée de mon chatoiement, je me pavane ostensiblement, j’arbore avec provocation mon nouvel étendard.

Miraculée de l’esclavagisme, je suis liberté du rescapé, énergie du survivant.

Furieusement vivante, je boulimise les expériences nouvelles, je saute à pieds joints dans les flaques irisées de l’inconnu.

Terroriste assumée, j’ai fait sauter la ternitude, j’ai dynamité les barrages.

Les torrents de couleur emportent à gros bouillons les vestiges du « comme il faut »

Je suis rire tonitruant du « comme je veux ».

 

Frédérique Petit.
Montréal, mai 2018. Texte écrit pour Véronique Besançon, à partir de son tableau Métamorphose.

On est toujours un inconnu pour ses enfants

Le vieillard

J’écoute le crissement des cailloux sous les roues de mon fauteuil, guettant le prochain chaos qui fera se cogner mes genoux, vigilant à ne pas lâcher ma boite de chocolats, Madame Alberti avait perdu ses chocolats, elle, la dernière fois qu’elle était revenu, ses enfants ne l’avaient pas vu tomber dans le noir et l’avaient engueulée, non mais maman t’aurais dû nous prévenir, c’est bien la peine qu’on aille chercher les meilleurs chocolats à 50 km si c’est pour les laisser tomber c’est quand même dommage ils avaient dit, la pauvre vieille avait sa mine d’enfant punie, alors qu’elle avait animé avec entrain la table de jeux de société hier au goûter, on est toujours un inconnu pour ses enfants, les miens n’ont jamais rien compris à ma vie, oui oui j’ai mes chocolats, la voilà qui s’affole, mon Dieu que d’angoisse pour si peu, enfin c’est bien gentil, vlan, le fauteuil qui enjambe la bordure du trottoir, toute la délicatesse brutale de ma fille et mes genoux qui choquent, douleur aiguë, je perds mon chausson gauche, personne ne le voit mais je le sens, je vais finir pieds nus, comme l’autre fumier m’avait craché à la gueule « tu es un va nu-pieds, un bon à rien, un foutu clochard, la honte de la famille », alors même que la famille n’en avait que le nom, rien d’homogène ni d’aimant entre nous, juste quelques souvenirs communs, aiguisant le rappel aux devoirs envers les vieux, la veille de Noël, on sait jamais ça peut servir, si pas pour l’héritage, ça je crois qu’ils ont compris, au moins pour la bonne conscience ou bien pour l’honneur-que diraient les voisins- tandis que tout le monde s’agite à égayer la crasse de décembre avec des chants débiles et des guirlandes vulgaires, mon chausson est tombé, le froid s’engouffre dans le bas de mon pantalon qui claque au vent, j’imagine qu’on va le retrouver sur le chemin entre la voiture et l’entrée, peut-être me ferais-je tancer à mon tour, comme un vieux gosse jouant de mauvaises blagues pour le plaisir de ralentir ceux qui courent, comme je courais alors, pour attraper le tram qui reliait le Croisé-Laroche à la gare des Flandres, deux jambes solides qui filaient dans la vie à la sortie de l’usine, deux jambes pour danser dans les salons, avec Yvonne on avait raflé tous les prix de tango argentin de la région, me voilà sur un sol lisse, on arrive bientôt, l’odeur de la soupe me monte aux narines, qu’il est agaçant de manger de la soupe, saleté de soupe qui se répand sur mon menton, dans ma barbe, les regards appuyées de la grosse dame de service, celle du dimanche soir.

 

Frédérique PETIT.
Hommage à André. Septembre 2018

Je suis Réalisateur Humaniste, « RH » pour les intimes

popcorn

Je suis scénariste inspiré et inspirant.

Je suis garant bienveillant du fil rouge de l’histoire qui s’écrit.

J’explore différents chemins, méthodes, outils, courants de pensée, pour ouvrir la voie à de nouvelles façons de faire et façons d’être.

A contre-courant du « tout, tout de suite », je m’autorise à laisser mûrir ce qui n’a pas encore de sens là où je me trouve.

Au cœur de l’action, je mets en mouvement, j’encourage et je filme la vie de l’entreprise.

Je suis moment présent, dedans et dehors à la fois, je suis capteur des émotions individuelles et collectives.

Je suis valorisation et confiance pour capitaliser sur la fierté et l’énergie de tous.

Je crée les conditions du partage, de la co-création et de la mise en œuvre.

Je donne à voir les prémices du futur en chacun de nous.

Je souligne tous les éléments positifs d’un coup de projecteur.

J’accompagne les moments clés du collectif d’une musique stimulante.

Je suis anti-dogmatisme. Je me concentre sur le sens plus que sur le style des équipes.

Je n’ai pas peur du surréalisme des plus créatifs dans les yeux desquels je détecte des éléments de vision.

Je m’émerveille devant les scènes poétiques des plus discrets.

Je m’amuse des anecdotes romanesques des plus anciens.

Je suis témoin de toute cette diversité et conteur de toute cette richesse.

Je suis Réalisateur Humaniste, « RH » pour les intimes.

 

Texte d’une femme, Responsable de la Démarche Vision

Je suis alliance du couple amoureux

Picasso_le peintre et son modele_Montreal 2018

Je suis alliance du couple amoureux

Entrelacement de l’un dans l’autre

Questionnement incessant du sens de la rencontre.

Je suis interstice, je préviens la fusion,

Court-circuite l’absorption.

Espace libre et sauvage entre mon je et ton tu,

Terre d’accueil de pas comme moi,

Je suis bienveillance à tu m’agaces,

Ouverture à tu me plais.

No man’s land, zone neutre, sol sacré,

Je suis jachère fertile de tous nos possibles.

Page blanche offerte à l’alchimie du nous,

Je palpite du désir de fondations nouvelles,

Je fomente en secret, je nourris en sourdine,

J’agrège en une marmite nos deux fonds de sauce puissants,

Je plop plop à l’envie le festin de nos deux vies.

Spermatozoïde éclatant d’or étincelant,

Je féconde la créativité jaillissante du 2.

 

 

Frédérique Petit. 2018.

Je suis à 20.000 lieues de l’ordinaire

lumière sous marine

Je suis à 20.000 lieues de l’ordinaire.

Je suis part du grand tout.

Je suis bataille pour m‘extraire de ce gluant magma.

Je suis UNE et je suis TOUS.

Je suis goutte d’eau parmi les gouttes d’eau.

Je suis changement de moi, changement des autres, je suis changement du monde.

Je suis maillon de la chaîne.

Je suis guidée et guide dans la lumière.

Je suis lumière.

 

Texte d’une femme.
Groupe des pionniers. Décembre 2018

Le regard des ancêtres est braqué sur ma tempe

sculpture masque

Je suis l’opulence confortable et bien née.

Ma confiance s’enracine dans l’aisance familiale,

Belles manières, mots choisis, je suis à mon affaire dans les mondanités.

Imperturbable descendant de banquier lombard, je repère et j’ignore le mortel vulgaire, besogneux et plaintif, inculte voire vilain.

Papillon gras et gracile, je virevolte de dîners confidentiels en premières sélects.

Je gargarise avec gourmandise les potins et sarcasmes.

Je racle bas la fange tout en n’y touchant pas.

Je polis chaque jour ma vitrine magique,

Je parade en famille, je pérore entre amis,

Je suis fermeture de l’entre soi.

Je consanguine avec naturel,

Ma semence féconde les pouliches choisies dans les près de même altitude,

Je suis le ventre de Joséphine, matrice des purs sangs.

Par ma chair se transfuse une lignée remarquable.

Héritier centenaire, le regard des ancêtres est braqué sur ma tempe.

Je suis misère de l’âme.

Affairé sans répit au maintien de mon rang, je suis orphelin du sacré, aveugle au merveilleux, hermétique à l’étrange, sourd au chant des anges.

Je sais l’alliance des comptes pour bâtir les empires, j’ignore l’alliance des âmes d’où éclot un sourire.

 

Frédérique Petit. 2017

A l’étroit dans mon costume d’homme respectable…

Je suis funambule, chercheur d’équilibre entre émotion et raison, jongleur assumé entre plaisir créatif et travail acharné.

A l’étroit dans mon costume d’homme sur respectable, taillé sur mesure par nécessité et envie,

Je suis soif de dépassement, énergie du mouvement, recherche de l’inconnu.

Pourfendeur des préjugés, des étiquettes et des caricatures, je suis curiosité du monde et de l’autre.

Viscéralement optimiste, je crois en l’Homme.

Animé d’une foi profonde, j’agis pour mettre en lumière les ressources de chacun.

Je suis celui qui vous veut du bien, malgré vous.

 

Texte d’un homme, leader RH

Je suis tentative Opale

Nuit noire

Nuit noire et éclats de surprise,

je lâche prise.

Solitaire, parfois seule, quelque fois esseulée,

je suis Réveil.

Etre universel et singulier,

je participe à l’humanité.

Horizontale ou verticale?

Je suis tentative Opale.

Je transpire Persévérance.

J’aspire Reliance.

 

Texte d’une femme.
Groupe des pionniers. Décembre 2018

Bertrand donne le change

lunettes métal

Le teint toujours implacablement hâlé, irréprochable d’élégance décontractée dans ses costumes cintrés, Bertrand incarnait la réussite satisfaite d’un cadre de grande entreprise. Ses fines lunettes de métal, rectangulaires, reposaient sans effort sur un appendice nasal dont la base large et épaisse contrastait avec la finesse de la racine osseuse. L’œil était brun, abrité par des paupières légèrement tombantes, rieur par diversion, volontiers espiègle aux dépens d’autrui, regardant alors en coulisse les réactions provoquées par ses sarcasmes. La bouche, charnue, gardée ouverte pour accompagner sa réflexion, lui conférait un air niais dont il fallait toujours se méfier. Car Bertrand était un couard.

Affichant une décontraction tellement engrammée qu’elle semblait naturelle, il fendait la lumière artificielle des couloirs de l’usine de son menton levé, dossiers en main, entièrement tendu vers la seule porte qui méritait qu’il se déplaçât : celle du directeur du site.

Là, il affichait son aisance, occupant l’espace familier avec la servilité zélée du grouillot qui vénère la main qui l’alimente, autant qu’il la craint. Nourri dès l’enfance par une longue tradition de gestion banquière provinciale, il avait développé un instinct remarquable pour flairer les hommes et les bons coups. Prompt à se rallier au chef de meute le plus susceptible de le protéger, il se drapait volontiers d’une énergie de shérif pour faire respecter l’autorité en place. Obséquieux avec les clients, impitoyable avec les fournisseurs, il se réjouissait de son sens des affaires, qui rendait sa présence indispensable.

La vie de Bertrand, imbibée des préceptes paternels prônant la raison et le conformisme, s’était progressivement organisée autour de son besoin de sécurité. Fidèle par effroi de la solitude plus que par vertu, il contenait les assauts de ses angoisses nocturnes par le calcul consciencieux de ses avoirs en banque.

Par ailleurs père dévoué et d’une tendresse inquiète, il s’inclinait devant une épouse brillante, adolescent éternellement étonné d’avoir séduit une femme désirable, que d’autres convoitaient.

Enfant égaré dans un habit d’adulte, redoutant à chaque instant que l’on pût démasquer son imposture, Bertrand, comme ses aïeuls avant lui, donnait le change.